Les dépenses gouvernementales consacrées aux services publics régressent en Ontario. La transparence aussi. Je ne parle pas ici des transactions foncières obscures de la Ceinture de verdure qui ont propulsé la politique du logement au rang d’affaire policière. Je parle plutôt de la pratique désormais courante qui consiste à mettre de l’argent de côté dans des « fonds de réserve », grâce auxquels le gouvernement peut manipuler les chiffres des dépenses, des revenus et des déficits, transformant ainsi certains états financiers en fiction comptable.
Cette pratique touche aussi le financement de l’éducation.
Le document Subventions pour les besoins des élèves (SBE) pour 2019-2020 indiquait pour la première fois un « montant non alloué » de 82 millions de dollars, soit un montant relativement faible. On a pu retrouver la même ligne les trois années suivantes, toujours avec des montants inférieurs à 50 millions de dollars. Et soudain, la ligne a disparu dans les projections des SBE pour 2023-2024.
À la place, le document indique une « provision de planification » – des fonds qui ne sont pas affectés à un but spécifique et qui ne sont pas vraiment à la disposition des conseils scolaires, puisqu’ils ne peuvent être dépensés qu’à la discrétion du ministère de l’Éducation. Pour l’année scolaire 2023-2024, la provision avait été établie à 317 millions de dollars. En cours d’année, elle est passée à 1,281 milliard de dollars. Dans les projections pour la prochaine l’année scolaire, 2024-2025, elle augmente encore pour atteindre 1,390 milliard de dollars.
Ce changement majeur dans la budgétisation est important. Voici pourquoi.
En premier lieu, la provision de planification représente 4,85 % de l’allocation aux SBE pour 2024-2025, que l’on appelle désormais le « financement principal de l’éducation ». C’est de l’argent que les conseils scolaires ne peuvent pas dépenser à leur guise, donc ils ne peuvent pas compter dessus lorsqu’ils planifient (et embauchent) pour l’année scolaire à venir.
En second lieu, le montant de la provision de planification aide le gouvernement à dissimuler le sous-financement systématique des écoles publiques qui sévit depuis 2018.
L’an dernier, j’ai estimé que depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Ford, le financement scolaire rajusté à l’inflation avait diminué de 1 200 $ par élève (en anglais ici). J’avais exclu la provision de planification de ce calcul, et j’ai fait la même chose cette année, car un financement principal qui n’est pas à la disposition des écoles n’est pas vraiment un financement principal.
Le déficit de financement rajusté à l’inflation entre les années scolaires 2018-2019 et 2024-2025 s’établit désormais à 1 500 $ par élève.
Si le ministère de l’Éducation mettait la totalité de la provision de planification à la disposition des conseils avant la fin de l’année scolaire, le déficit de financement par élève serait ramené à 900 $, mais seulement pour l’année courante. Il s’agirait très probablement d’une dépense unique; rien ne permet de penser que cette dépense serait intégrée au financement principal des années subséquentes. Le déficit de financement se creuserait de nouveau l’année suivante.
En définitive, pour l’année scolaire 2018-2019, les conseils scolaires comptaient sur une moyenne de 14 700 $ par élève en termes rajustés à l’inflation. Pour la prochaine année scolaire, ils devront se contenter de 13 200 $. Et ce sont les enfants qui en feront les frais.